Un grand pas en avant

November 26, 2010

Par l’équipe de CUTS International

Il y a presque trois décennies, le 5 décembre 1980, l’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé l’Ensemble de principes et de règles équitables convenus au niveau multilatéral pour le contrôle des pratiques commerciales restrictives, plus connu dans la communauté internationale comme l’Ensemble des Nations Unies sur la concurrence. Aujourd’hui, il se distingue comme l’un des accords au niveau multilatéral le plus abouti en matière de politique économique. Les observateurs estiment que ses auteurs méritent tout le crédit pour leur vision sur l’intérêt des pays à faire partie de ce cadre global de la politique de la concurrence, sur une base strictement volontaire. Cela a été possible en sensibilisant les pays membres quant aux avantages découlant de l’élaboration d’un cadre commun de la concurrence, en particulier à l’aube d’une accélération du commerce international.

Les délégués des quatre coins du monde se sont réunis à Genève au cours de la deuxième semaine de Novembre 2010 afin d’examiner l’Ensemble des Nations Unies sur la politique de la concurrence. Il s’agit maintenant d’un rituel qui a lieu une fois tous les cinq ans et est considéré comme l’un des plus grands rassemblements de représentants de pays (et de praticiens) ayant un intérêt dans les réformes du droit de la concurrence. Le fait que ce sixième examen ait enregistré une participation record témoigne de l’intérêt croissant des pays pour la politique et le droit de la concurrence et en particulier de leurs liens avec le développement socio-économique.

Le mérite revient aux organisateurs de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), non seulement pour être en mesure de faciliter la participation d’un très grand nombre de délégués du monde entier à cet événement, mais aussi pour être en mesure d’initier tout particulièrement les « pays du Sud » sur les liens entre l’application de la concurrence et les résultats des objectifs de développement qu’ils ont recherchés activement à travers le monde. Divers autres organisations internationales comme l’OCDE, la Banque mondiale, le Réseau international en matière de concurrence (ICN) et des organisations non gouvernementales comme CUTS, et les partenaires du développement tels que le DFID et le CRDI ont également été impliqués dans cette croisade des réformes de la concurrence – mais le rôle de la CNUCED a vraiment été celle d’un chef de file quand il s’est agi d’aider les autorités de la concurrence dans les pays en développement avec l’appui technique et l’expertise en matière de politique et de droit de la concurrence ainsi que de protection des consommateurs.

C’est probablement un tel encouragement de la CNUCED et d’autres organisations internationales qui a progressivement renforcé la confiance des pays en développement à s’engager pleinement dans les débats sur les questions de respect de la concurrence avec leurs homologues des pays développés. Les interventions et la participation aux discussions des délégués des pays en développement au cours des cinq jours à Genève a été certainement l’un des points forts de la sixième Conférence d’examen. Cela démontre clairement la croissance des capacités d’un grand nombre de pays en développement et de pays les moins avancés (PMA) non seulement à défendre leurs positions sur les réformes de la politique et du droit de la concurrence mais aussi à rallier le soutien de la communauté internationale pour une plus grande attention à la concurrence nationale et aux réformes de la protection des consommateurs dans le monde en développement.

Il est essentiel que d’autres plates-formes de la concurrence internationale, comme le Forum mondial sur la concurrence (organisé par l’OCDE), le Réseau international en matière de concurrence ICN et même la nouvelle Conférence internationale sur la concurrence des BRIC, etc. reconnaissent cette confiance accrue des « pays du Sud» en contribuant de façon significative au discours international sur le droit et la politique de concurrence.

Cette participation enthousiaste des délégués des pays en développement a confirmé qu’ils sont en mesure de faire valoir leurs arguments haut et fort, en particulier les défis auxquels ils sont confrontés dans l’application de leur régime de concurrence national et de demander des conseils à leurs homologues des pays développés ayant beaucoup plus d’expérience dans l’application du droit et de la politique de la concurrence. Un processus d’examens collégiaux (maintenant institutionnalisé par la CNUCED) est devenu une activité annuelle impliquant cette fois-ci une évaluation franche des forces et des faiblesses du régime de la concurrence de l’Arménie. Les débats de l’examen de l’Arménie ont confirmé qu’il y avait eu un grand échange d’informations et de connaissances lors de cette conférence. Des pays comme le Kenya qui ont subi cet exercice ont admis que le processus “des échanges collégiaux » a été extrêmement utile pour les aider à élaborer une «feuille de route» pour faire respecter la concurrence, en s’appuyant sur l’expérience d’autres pays / experts.

Le fait qu’une grande partie de la séance plénière a été concentré sur les questions relatives aux réformes de la concurrence dans le monde en développement s’explique par deux questions qui ont été principalement mises en évidence lors de ces discussions, d’une part la coopération internationale en matière de concurrence et d’autre part la nécessité d’aborder les réformes de la concurrence dans le programme national de développement des pays.

Il y a une reconnaissance croissante parmi les agences de la concurrence des pays en développement que le manque de capacités en matière de concurrence auquel la majorité d’entre eux sont confrontés peut être résolu par le processus de la coopération internationale de la concurrence. Il peut y avoir différentes façons de développer un tel processus de la coopération internationale, y compris mais non limité à – l’échange d’informations et de connaissances, de conseil et d’assistance technique, le renforcement des capacités, la coopération au cas par cas, etc.

L’expérience des régions où une telle coopération a été réalisée indique que la coopération qui s’est forgée au niveau régional a été bénéfique à plusieurs égards. Une des raisons pourrait être les similitudes de la législation de la concurrence entre les pays d’une même région, ce qui facilite la coopération. Il a également été remarqué que les interactions et les réseaux informels plutôt que les modes de coopération formels sont souvent capables de promouvoir une plus grande coopération entre les pays membres. Il a été convenu que souvent «la protection de la confidentialité de l’information” est une pomme de discorde dans la coopération de la concurrence et doit être correctement réglée, éventuellement par des moyens informels.

Une autre question qui revenait lors des différentes sessions est l’importance de l’intégration des réformes de la concurrence dans l’agenda national, en particulier son intérêt pour les pays en développement. Un moyen proposé pour attirer l’attention des décideurs nationaux et les parlementaires a été de démontrer les avantages des réformes de la concurrence aux acteurs étatiques dans des secteurs comme l’alimentation ou les marchés publics et de gagner leur patronage et leur soutien pour faire avancer l’ordre du jour de la concurrence dans les pays en développement.

Il est important que les pays en développement maintiennent leur niveau d’enthousiasme pour les réformes de la concurrence – et s’engagent plus efficacement avec les parties prenantes, les organisations de la société civile et particulièrement les groupes de consommateurs pour obtenir un soutien pour le processus de réformes nationales de la concurrence. Il y a suffisamment d’informations disponibles dans la littérature sur la manière dont les pays se sont engagés dans cet exercice, quand ils ont commencé – qui peuvent servir de source de référence pour d’autres pays. Le rôle de la CNUCED ainsi que celui d’autres organisations internationales travaillant avec les autorités de la concurrence et sur la concurrence dans les pays développés est tout aussi important pour favoriser la création de marchés équitables dans le monde développé. Tous ces éléments peuvent aider les pays à relever les défis permettant de créer un environnement favorable et un équilibre entre les objectifs de protection des consommateurs et de promotion industrielle.